La présence d’espèces végétales exotiques envahissantes est souvent reliée à l’intensité des activités humaines. Les aménagements de berges nécessitant très souvent des terrassements et l’intervention d’engins de chantier, on peut supposer qu’ils ont tous été soumis à un niveau de perturbation d’intensité comparable et à des expositions aux propagules équivalentes.
Berge en enrochements envahie par la renouée du Japon. © Léon Ducasse.
Les chercheurs d’INRAE ont ainsi regardé si toutes les techniques d’aménagement de berge étaient colonisées de la même façon par les espèces exotiques envahissantes.
Ils ont trouvé que tous les types d’ouvrages hébergeaient un nombre moyen de plantes exotiques envahissantes équivalent. Néanmoins, il a été observé une moindre abondance d’espèces exotiques envahissantes végétales sur les berges aménagées en génie végétal ou en génie mixte que sur celles aménagées en génie civil. Ainsi, lors d’une étude menée sur 15 sites de l’ancienne région Rhône-Alpes, aucune espèce exotique envahissante végétale ne figurait parmi les 25 espèces les plus fréquentes sur les ouvrages en génie végétal. Cependant, on en retrouvait deux pour les techniques mixtes (Reynoutria spp. et Solidago gigantea) et trois pour le génie civil (Buddleia davidii, Reynoutria spp. et Parthenocissus quinquefolia). Les espèces exotiques envahissantes ont ainsi un recouvrement plus important sur les enrochements que sur les techniques végétales, comme l’illustre la photo ci-dessus. Une certaine variabilité dans la fréquence des espèces invasives sur les ouvrages de génie végétal a cependant pu être relevée.
Boîtes à moustaches comparant la richesse spécifique et l’abondance des espèces exotiques envahissantes végétales entre les différentes parties des berges, selon les types d’aménagements (d’après Martin, F., 2020) Les différences significatives sont indiquées par des lettres différentes
Les différences en nombre d’espèces et en abondance d’espèces exotiques envahissantes végétales entre les ouvrages, leurs berges en amont et leurs berges en aval ont également été étudiées. Il y a peu de différence dans le nombre d’espèces invasives entre les ouvrages et leurs berges adjacentes. On note cependant une tendance à un moins grand nombre d’espèces exotiques envahissantes sur les ouvrages de génie végétal que sur leurs berges adjacentes (résultat significatif entre les ouvrages et leurs berges en aval). Concernant l’abondance de ces espèces exotiques envahissantes, les aménagements en génie végétal et en génie civil montrent des tendances opposées : les aménagements en génie végétal ont une plus faible abondance d’espèces exotiques envahissantes que leurs berges en amont et en aval, alors qu’on observe l’inverse pour les aménagements en génie civil. En d’autres termes, le génie civil favorise le développement des espèces exotiques envahissantes alors que le génie végétal le minimise.
Ces résultats peuvent s’expliquer par plusieurs mécanismes :
- Les plantes exotiques envahissantes recensées sont caractérisées par une forte croissance qui leur donne un avantage compétitif dans les milieux pionniers. Les plantes exotiques envahissantes trouvées sur les ouvrages issus du génie civil (dénué initialement de toute végétation) ont ainsi trouvé un terrain propice pour exprimer leur potentiel invasif. Les ouvrages de génie civil peuvent alors constituer des sources de diaspores d’espèces envahissantes et favoriser leur diffusion.
- Il a également été démontré que l’abondance relative des plantes exotiques envahissantes pouvait s’expliquer par les interactions biotiques, notamment par les interactions de compétition. La présence d’espèces compétitrices sur les ouvrages de génie végétal – telles que les espèces de saules dont la dynamique de croissance est forte – limite la vigueur et la propagation des espèces exotiques envahissantes présentes. La concurrence exercée par l’ombrage du saule pour les espèces héliophiles comme la renouée peut également constituer un filtre pour les espèces invasives. Dans le cas des berges aménagées par des techniques de génie végétal, la forte densité de boutures de saules limite le développement des espèces exotiques envahissantes.
Pour aller plus loin
Cavaillé, P., F. Dommanget, N. Daumergue, G. Loucougaray, T. Spiegelberger, E. Tabacchi and A. Evette (2013). Biodiversity assessment following a naturality gradient of riverbank protection structures in French prealps rivers. Ecological Engineering 53(0): 23-30.
Dommanget, F., Evette, A., Breton, V., Daumergue, N., Forestier, O., Poupart, P., et al. 2019. Fast-growing willows significantly reduce invasive knotweed spread. J. Environ. Manage. 231: 1‑9. Elsevier.
Evette, A. et P. Cavaillé (2011). Aménager les berges : vive le génie végétal. Espaces Naturels 34: 37-38.
Evette, A., Martin, F., Janssen, P., Dommanget, F., Borg, D., Cavaillé P. (Soumis) Génie végétal et invasions biologiques. Sciences Eaux & Territoires
Martin, F.-M., Janssen, P., Bergès, L., Dupont, B., Evette, A. (Soumis). Higher structural connectivity and resistance against invasions of soil bioengineering over hard-engineering for riverbank stabilisation. Wetlands Ecology & Management
